Terrine de canard 2


Prologue

Comme chaque année à cette période de l’année, vous êtes coincé dans un hôtel en altitude et vous commencez à avoir des hallucinations un peu dérangeantes. Vous imaginez du boudin mal cuit sortir de l’ascenseur et vous avez envie de faire du jambon avec votre femme.

ascenseur au boudin

Et ça en fait du boudin (et je parle pas de Wendy PTDR XD )

C’est sans doute ce nouveau régime 100% quinoa qui commence à vous travailler.

the-shinning-5

Chouette, encore du Quinoa !

Du coup, pour vous détendre, je vous propose une bonne recette de terrine. Un petit plat de fin d’hiver qui va vous ravigoter les méninges et vous aider à avancer dans vos travaux littéraires.

Pour ce faire, il vous faut du canard. Un bon petit canard bien tendre.

scatmanShining

« Tu aimes ça la glace mon canard ? »

Mais comme dans toute terrine, il nous faut aussi du cochon. Un gros porc.

Cochon Shining

Je pense que vous aurez au moins compris que cette histoire n’avait donc rien à voir avec un cimetière indien ou un quelconque pouvoir surnaturel. C’était juste l’histoire d’un mec qui avait une grosse envie de pâté. Et on ne doit jamais aller à l’encontre d’une grosse envie de pâté.

"Pââââââââté"

« Pââââââââté »

Et pour ceux qui auraient encore un doute sur cet interprétation du film, je vous invite à faire un arrêt sur image sur le twist final. C’est sans équivoque.

Twist final shining

Ingrédients:

On va se mettre ienb'

On va se mettre ienb’

  • Pour la viande, j’ai utilisé des cuisses et des manchons de canards
  • Pour le gras de la farce, du lard salé de porc qui peut être remplacé par de la gorge
  • pour l’accompagnement: échalotes, ail, laurier, baies roses, poivre, persil et vin blanc sec

Recette:

On commence par préparer le lard, cela revient à enlever les éventuels petits morceaux de cartilage et la couenne. Tout en gardant un maximum de lard, c’est quand même le but.

lard

De gauche à droite: miam, beurk

Deuxième étape plus longue, on va détailler tous les morceaux de canards. Je n’ai utilisé que des cuisses et des manchons. Des morceaux plus coriaces que le magret ou le filet. Il est tout à fait possible de mélanger l’un ou l’autre. Ou même de n’utiliser que du magret pour une tendreté extrême. Autant vous dire qu’on a réalisé ici un pâté pas très gras. Le lard est peu persillé et les cuisses sont bien moins grasses que du magret. Le pâté qui en sort est plus dur et plus sec. A vous de jauger.

canard decoupe

Comme d’habitude, on n’aime pas jeter. Alors la couenne, le cartilage et les os de canards sont foutus en vrac dans la cocotte avec un peu d’eau. Et dans une heure vous vous retrouverez avec un délicieux bouillon de canard. Ça vous aidera aussi à tenir l’hiver. Seul. Dans l’Overlook. Avec vos copains imaginaires.

bouillon

Ensuite on hache toute cette bonne barbac’. Personnellement j’aime la terrine avec des morceaux donc j’utilise la grille la plus grosse. Mais je tiens à vous rappeler qu’on est encore dans un pays libre. Et je suis qui, moi, pour vous juger ??

Avalanche de pâté

Cet hiver, encore trois skieurs disparus dans une avalanche de pâté.

Et on prépare les herbes directement au mixer. Je hache même la feuille de laurier, on ne sentira plus rien dans la farce (en texture, pas en goût).

herbes

Une fois cela prêt, on mélange le tout avec le vin blanc et la viande hachée. Utilisez vos doigts, ou une hache, tel Jack.

farce a remuer

repos

A la fin, vous devez obtenir une farce bien homogène. On la laisse mariner un petit peu. Vous pouvez par exemple vous relancer Shining, parce que c’est le meilleur film en préparant du pâté.

Une fois que cela a bien mariné, vous placez le tout dans une terrine qui sera elle-même posée sur un plat de tarte ou une grande assiette avec un peu d’eau. Vous mettez le couvercle et vous cuisez le tout à 220°C pendant une heure environ. Ne surcuisez pas trop, c’est encore mieux si c’est encore un peu rosé.

terrine cuite

Et vous obtenez une superbe terrine bien chaude qui malheureusement n’est pas mangeable pour l’instant. Tout d’abord parce que la terrine doit refroidir, et ensuite parce qu’elle est bien meilleure si vous attendez au minimum 48 heures avant de la déguster. Ooooh quelle frustration.

Mais après vous pourrez vous faire une petite assiette avec de la gelée et une salade d’hiver… un grand feu et une machine à écrire.

terrine servie

All work and no pâté makes Jack a dull boy

Au stade où on en est, je sais pas si ça vaut le coup de parler d’autre chose que de Shining.

The Shining

Saviez-vous que le surnom de Danny n’est pas « Canard » ou « Duck » mais « Doc’ « . C’est une erreur de traduction de la VF. D’ailleurs, Jack parle de Bugs Bunny juste après. Ce qui n’a aucun sens avec un canard. Bref, tout mon article repose sur une erreur de traduction, et je trouve ça plutôt cool. En plus personne ne regarde la VF. A part Grenouille.

Et dans le bouquin c’est aussi du grand n’importe quoi, puisque c’est devenu « prof ».

Bon c’est parti pour l’analyse. Vu qu’on reste un blog de bouffe, intéressons nous un peu à la place de la nourriture dans The Shining. Et puisqu’il y a un débat sans fin entre le bouquin et le film, on va même se payer le luxe d’une analyse comparée.

Pour ceux qui viennent de s’échapper de la cave de J. Fritzl, The Shining raconte l’histoire d’une famille qui reste isolée du reste du monde dans un hôtel lui même isolé en montagne pendant l’hiver afin de le gérer avant la réouverture de la saison touristique.

Sauf que tout part en couille (de façon différente dans le film et le livre) et que c’est un véritable massacre (dans les deux cas, par contre).

L’auteur du livre, Stephen King,  a adoré le film de Stanley Kubrick en tant que spectateur mais l’a complétement désapprouvé en tant qu’auteur. Il a d’ailleurs refusé que son nom apparaisse au générique.

Sur cette capture d'écran, on voit bien qu'il a refusé, malgré un choix très attractif de couleur.

Sur cette capture d’écran, on voit bien qu’il a refusé, malgré un choix très attractif de couleur. Signe d’un vrai malaise entre Stan et Steph.

En effet, Kubrick a pris de très grandes libertés par rapport au bouquin. Certaines théories fumeuses parlent d’un différent fondamental sur la représentation de l’alcoolisme de Jack qui était l’essence du livre (autobiographique) selon King. Nous verrons bien entendu que cette hypothèse est le pur produit d’une conspiration de végétariens et que la problématique est bien plus terre à terre.

Analyse

La première question à se poser, c’est: combien de temps restent ils tout seuls ?

Le bouquin est hyper précis: p18 « Sachant que l’hiver serait rude et que pendant 5 ou 6 mois ils seraient coupés du monde. »

Le film l’est encore plus, lors de l’entretien entre Jack et Ullman (dès leur arrivée dans l’Overlook): « five months of peace is just what I want. »

Et wendy dira aussi: he hasn't had any alcohol in eh five months.

Et wendy dira aussi: « he hasn’t had any alcohol in eh five months » Hahaha… la naïve

On va donc retenir 5 mois pour tout le monde. Sur la base de 3 mois de 31 jours et 2 de 30 et sachant que la famille est composée de 3 membres cela fait donc 918 repas avec de la viande (pas au petit déjeuner donc).

Dans les deux cas, c’est Halloran le cuisinier de l’Overlook Hotel qui montre les provisions à Wendy (la maman) et à Danny (le fiston). Ce garde-manger a un rôle primordial, c’est d’ailleurs à l’intérieur de celui-ci que Jack finira enfermé (et libéré on sait pas bien comment), c’est l’analyse de son contenu qui livre les véritables clés de compréhension du film et du livre.

Voici donc les denrées que j’ai notées que ce soit dans le film et dans le livre. J’ai retenu un poids approximatif selon les pratiques des marchés européens puis j’ai divisé par 918 pour voir la dose de viande dispo par repas et par personne.

Provisions shining 2

Analyse des garde-mangers:

Le livre

On peut constater que le régime du bouquin (et donc de Stephen King) est un régime très sain. Composé uniquement d’animaux morts et de pain. Le mot « légume » n’apparait que deux fois dans tout le livre, et uniquement à propos d’un vieux souvenir d’Halloran. (Pas de ça dans l’Overlook donc !).

Avec 12 types de viandes et poissons différents, il y a une belle diversité qui évite la monotonie. Même si le lendemain de Thanksgiving risque d’être un peu dur (une dinde de 10kg quand on est trois avec un enfant de 5 ans, tout de même…). Détail qui n’a pas échappé au romancier puisqu’il précise:

« Wendy avait fait rôtir à point la dinde de Dick Hallorann et il s’étaient tous gavés sans arriver à entamer sérieusement la magnifique volaille. Jack s’était plaint qu’ils allaient être condamnés à manger de la dinde tout le restant de l’hiver – de la dinde en sauce, des sandwiches à la dinde, de la dinde aux nouilles, la surprise du chef à la dinde. » (p. 288)

Belle cohérence du King donc. (et on constate encore que la possibilité de manger les restes avec des légumes n’est pas évoquée, bravo Stephen, donc)

Par contre, je vous vois venir, 60 pains, ça risque d’être un peu light pour 6 mois. Mais là encore, le King a pensé à tout et fait prononcer à Halloran les mots suivants:

« Ici, dans cette huche, vous avez trente pains blancs et trente pains noirs. A l’Overlook, pas de discrimination contre les pains de couleur, voyez-vous (bonne vanne). Je sais qu’avec 60 pains vous n’en aurez pas assez, mais vous avez tout ce qu’il faut pour en faire. D’ailleurs rien ne vaut le pain frais. »

Donc on a plein de viandes différentes, on a du pain à plus savoir qu’en foutre, d’où vient le problème… ?

Et bien les quantités de viande sont nettement insuffisantes… Avec 140 grammes de viande par personne et par repas, forcément, les pauvres Terrance ne pouvaient que mourir de faim. Ce qui explique tout à fait la réaction du père et des fantômes de l’hôtel : tout le monde essaye de bouffer tout le monde par ce qu’ils n’ont plus assez de steaks.

Tout comme le fantôme de l’homme déguisé en chien qui se fait d’ailleurs le porte-parole de ce malaise général et qui s’adresse à Danny dans ces termes:

« je vais te manger, mon enfant, en commençant par tes petites couilles dodues. »

The Shining, le livre, est donc un ouvrage qui dénonce principalement la sous-nutrition.

Le film

Au contraire du film… En effet, Stanley K. offre plus de 320 grammes de viande par personne et par repas. Je vous rappelle qu’on a un enfant de 5 ans dans le lot, donc on ne devrait pas trop avoir les crocs.

Mais le problème fondamental, c’est cette diversité de fruits et légumes voire même de desserts avec environ une vingtaine de produits !! Alors qu’au contraire, il n’y a que 5 viandes différentes. Et des trucs qui ont l’air carrément dégueu. Mais bordel… 135 kilos de hamburgers congelés… mais tu m’étonnes que Jack soit devenu complètement cinglé. Tous les 5 repas, ils sont condamnés à remanger la même chose ! Ou alors, c’est les fruits séchés et les légumes en boîtes qui les guettent !!

Vous trouvez qu'ils ont bonne mine ?

Vous trouvez qu’ils ont bonne mine ?

Et c’est d’ailleurs à ce moment que M. Terrance commence à voir de la viande partout (ascenseur, baignoire, jumelles etc… etc…). Remarquons également que ledit homme-déguisé-en-chien du livre apparait dans le film sous la forme d’un cochon et non d’un clébard. Et tout le monde sait bien que dans le cochon on mange tout. C’est donc la représentation évidente du problème de mal-nutrition qui ronge la famille Terrance qui va les pousser à essayer de faire de la charcuterie maison avec les moyens du bord. On remarquera d’ailleurs que Jack se bat avec une hache dans le film (alors qu’il s’agissait d’un maillet de roque dans le livre… tout concorde).

Essayez donc de faire une terrine avec ça

Essayez donc de faire une terrine avec ça

Et pour finir:

« Shining est un film optimiste. C’est une histoire de fantômes. Tout ce qu’il dit c’est qu’il y a une vie après la mort, c’est optimiste. »Conversation entre Jack Nicholson et Stanley Kubrick, Stanley Kubrick une vie en image, documentaire réalisé par Jan Harlan en 2000. 

 


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2 commentaires sur “Terrine de canard