Winter’s coming et on va pas le traverser sereinement en s’enfilant des légumes de fiottes. Du coup, on va taper dans le vrai, l’authentique et l’original.
Préparation
Il vous faut de bons choux verts. Ce qui est génial c’est qu’ils contiennent d’office toutes les bactéries nécessaires à la réussite du processus. Privilégiez d’ailleurs les choux bio et ne les lavez pas trop, souvent il suffit d’arracher quelques feuilles extérieures.
Coupez les choux finement au couteau ou à la mandoline. Vous pouvez utiliser une disqueuse sur robot de cuisine également. La taille de la coupe est fonction de votre goût, plus elle sera coupée finement, plus elle sera fondante. Pour rester plus croquante, privilégiez une coupe plus épaisse.
Placez votre chou dans votre récipient et jettez de temps en temps un peu de gros sel. La bonne proportion est de 10g tous les kilogrammes de chou. Utilisez une pince pour bien mélanger le chou et votre sel.
Une fois que vous avez mis tout votre chou, vous devez bien le tasser. Il doit être maintenu dans son jus et dans la saumure. Pour ce faire, la meilleure solution est de tasser votre chou manuellement et de le recouvrir de quelques feuilles de choux entières qui seront maintenues par des poids. Dans le cas d’un pot à choucroute, vous aurez directement les poids adaptés, souvent en gré et en forme de demi lune.
Il faut laisser le récipient à température d’intérieur pendant une semaine, puis vous pouvez le placer dans un endroit plus frais au minimum 3 semaines supplémentaires (extérieur ou cave). Un avertissement tout de même, ça pue un peu le pet…
Au bout de 3 jours, ouvrez la jarre et assurez-vous que le chou est récouvert de jus. Dans mon cas, le chou n’a pas rendu assez d’eau avec le sel et n’est pas humidifié jusqu’en haut. Complétez alors avec de l’eau ou de l’eau salée jusqu’à ce que le chou en soit recouvert.
Quel récipient ?
J’ai essayé d’utiliser une simple casserole et cela s’est soldé par un échec retentissant. Il semblerait que le métal ne soit pas adapté au processus de fermentation. L’autre problème important est que mon couvercle n’étant pas scellé, le contenant n’était pas isolé des bactéries extérieures et le chou de surface a littéralement pourri.
Une bonne solution est d’utiliser des bocaux en verre de type « le Parfait » avec un joint en caoutchouc. Ces joints laissent sortir le surplus de pression mais ne laissent pas rentrer l’air.
Sinon, vous pouvez également investir dans une véritable jarre à choucroute, elles sont disponibles sur internet pour une trentaine d’euros et présentent deux avantages non négligeables: elles sont équipées d’un joint à eau qui laissent s’échapper le gaz sans risque de contamination extérieure, et elles sont fournies avec des poids en demi-lune parfaitement adaptés au récipient (ce qui risque de vous poser plus de problème avec les bocaux). En plus vous pouvez vraiment industrialiser le processus et vous fabriquer des dizaines de kilos de choucroute (on est jamais trop prudent).
Vous en trouverez notamment sur Amazon comme ici par exemple.
Conservation
Figurez vous que la choucroute peut se conserver plus d’un an à température ambiante pour peu qu’elle soit bien stockée. On est larges. Ne pas ranger au pied du lit par contre, ça sent fort. Astuce: a contrario, cela permet de camoufler habilement une crise d’aérophagie.
Il faut surtout maintenir la choucroute bien isolée des méchantes bactéries extérieures. Quand vous en prélevez, assurez vous de porter des gants ou d’avoir les mains parfaitement propres et d’utiliser des outils nickels pour éviter toute contamination.
Recouvrez le chou d’un chiffon parfaitement propre sous les poids. Il n’est pas anormal que celui ci se couvre éventuellement de moisissure. Souvent blanche comme celle du saucisson. L’interface entre le milieu de culture et l’air est un milieu particulièrement accueillant mais cela ne contaminera pas toute votre préparation. Lorsque vous prélevez de la choucroute, remplacez par contre le torchon par un nouveau propre.
La choucroute prélevée peut être consommée telle quelle, froide ou chaude. Si vous trouvez le goût un peu trop prononcé, vous pouvez la rincer à l’eau claire avant de la préparer. Plus la choucroute est vieille et plus elle sera acide et forte. La choucroute jeune (d’un mois environ) n’a pas forcément besoin d’être rincée.
Update
Et voilà, deux mois plus tard, on savoure enfin la choucroute.
En ouvrant la jarre, vous constaterez une pellicule un peu gluante en surface. Soit sur les feuilles de choux, soit sur votre torchon. C’est normal, ne vous affolez pas.
Enlevez les poids et le torchon. Votre choucroute doit surtout être bien blanche. Attention à l’odeur à l’ouverture… n’oubliez pas que c’est vivant ce petit monde.
La choucroute peut être consommée ensuite crue ou cuite, et vous pouvez choisir de la rincer ou non. Moins vous la rincerez et plus elle sera salée, et acide.
Cuisson
La cuisson traditionnelle se réalise avec du saindoux et du lard. Le chou doit être cuit au minimum une heure et arrosé d’un verre de vin blanc (Riesling). Les épices recommandées sont la baie de genièvre, le clou de girofle et le laurier. Il est important d’utiliser un choux bien essoré. Le temps de cuisson dépend de votre goût, plus la cuisson est longue et plus il sera fondant. Le chou reste consommable cru.
Un peu d’histoire
Si vous entendez choucroute, vous imaginez probablement des hordes de Teutons en Lederhosen tyroliens dans leurs Panzers VI B Königstiger. Et pourtant… c’est une toute autre invasion qui a ramené la choucroute dans nos belles régions orientales. Et pas des moindres, puisqu’il s’agit d’Attila.
What the fuck me direz-vous ? En fait, la choucroute est un plat traditionnel chinois, et plus particulièrement de la province du Heilongjiang. Elle aurait été inventée pendant la construction de la grande muraille puisqu’il s’agissait d’un aliment qui se conservait très bien et que les ouvriers travaillaient souvent assez loin des fast-foods locaux.
Après s’être cassé les dents sur ladite muraille, les Huns (il n’y aura aucune vanne impliquant les autres dans cet article) ont opéré un demi-tour stratégique pour envahir l’ouest en emportant avec eux la recette secrète de la choucroute. Attila sème alors la terreur en Europe de l’Ouest en pillant et violant successivement l’Autriche et l’Allemagne, et atteignant même l’Alsace en 451. On constate que la totalité des zones envahies ont intégré par la suite la choucroute dans leur régime alimentaire.
Vous connaissez sans doute la célèbre citation d’Attila « Là où passe mon cheval, l’herbe ne repousse pas » mais vous ignoriez vraisemblablement que c’était par ce qu’on ne plantait plus que des choux derrière lui.
La recette apparait dans les premiers écrits aux alentours du XVe siècle sous le nom hautement évocateur de Kompostkrut (le Chou-Compost). Elle se développe en France dans les régions voisines à l’Alsace et plus généralement dans toute l’Europe jusqu’en Russie mais également plus récemment dans les zones d’émigration allemande dans les Amériques (même au Brésil).
Extrêmement riche en vitamine C et autorisant une conservation hors-norme, la choucroute a été le principal allié des marins dans leur guerre contre le scorbut (maladie provoquée par le déficit de vitamine C qui provoque notamment la purulence des gencives, le déchaussement des dents, des hémorragies et la mort). Bref, ce qui est important de retenir, c’est que c’est grâce à une consommation frénétique de choucroute que Marc-Joseph Marion du Fresne et ses potes ont notamment pu découvrir la Nouvelle-Zélande. Et tout ça grâce à James Cook qui fut l’un des premiers capitaines à mettre la choucroute au moins 3 fois par semaine au menu de la cantine.
C’est au XIXe siècle que le terme de choucroute apparait enfin. Il est issu de l’Alsacien Sürkrüt issu lui même de l’Allemand Sauerkraut qui signifie chou (Kraut/ Krüt) acide (Sauer/ Sür). En bref, le traducteur (qui devait probablement venir de Bretagne ou de la Réunion) a traduit Sür par chou et Krüt par croute. Choucroute signifie donc Chou-chou, bravo le petit génie!
Aujourd’hui, plus de 70% de la production nationale de choucroute nous vient d’Alsace ce qui représente environ 30 000 tonnes de choucroute. La consommation de choucroute moyenne par Français est d’environ 800g par an. Enfin, rappelons nous ce bon mot de notre Président Jacques Chirac en 1995 : « Bien sûr que je suis de gauche ! Je mange de la choucroute et je bois de la bière ». Ce qui dénote d’une relative méconnaissance de l’histoire européenne du XXe siècle.
Curieuse de voir le nombre de lecteurs qui vont s’enflammer en achetant une jarre à choucroute…
Ou le recevoir en cadeau de noël ??
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bonjour, une fois fini ma choucroute sentait bon mais avait un jus gluant est ce grave ? merci de me répondre rapidement car je suis en train d’en faire une autre tournée. bien cordialement
Non rincez là ! si l’odeur est bonne, pas de problème, c’est un résultat de la lactofermentation